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vendredi 24 avril 2020

L’olivier Coranique entre l’apocalypse et le nouveau modèle, après le coronavirus


Depuis le règne incontesté du Coronavirus, un personnage haut en couleur, que l’on appelle : « mondialisation », s’invite à notre table. Il est là, dans nos verrine de l’apéro au dessert, et même au delà, confinement oblige. Mais à quelque chose malheur est bon.


 Une telle présence nous impose à interroger et à scruter notre hôte sous toutes ses coutures. Car quelque chose a changé, notre regard habituel de complicité, s’évanouit pour glisser vers la consternation, et ensuite, à l’indignation. Tout en le redécouvrant nous découvrons notre myopie, voir notre cécité. Il est vrai, que souvent, nous ne pouvons regarder ce que nous avons sous le nez, de crainte de voir le sol se dérober sous nos pieds. Cocteau, nous dit à juste titre : souvent nous préférons vivre aveugles, jusqu’à ce qu’une vérité éclatante nous crève les yeux.



Quel est ce processus qui a conduit à cette reconversion du regard ? Est-ce l’épidémie qui éveille la conscience soudaine d’un danger imminent ? Est-ce la lâcheté qui atteint le bout de l’abîme ? Est-ce notre humanité piétinée, blessée qui resurgit et nous demande des comptes ?



N’avions-nous pas intériorisé tous les ingrédients du bonheur ?  La mondialisation n’était-elle pas la chute des frontières entre les hommes ? Une circulation des idées à tous crins ? Un humanisme sans rivage, sans couleur, sans bigoterie intégriste ? N’était-elle pas le règne de l’homme qui a fini par vaincre définitivement la scolastique cléricale et les nationalismes étriqués ?


Le professeur Mohamed Arkoun, ce grand arpenteur de nos territoires perdus de la mémoire, s’est moqué un jour de ces tentatives désespérées : visant à durcir la notion Occident-Orient, tout à fait inacceptable sur le plan sémiotique. Il nous invite par la même occasion à méditer l’image métaphorique de l’olivier coranique « qui n’est ni d’Occident, ni d’Orient et qui illumine pourtant tout autour de lui ». 

Le Coronavirus intervient avec fracas pour nous révéler que tout cela n’est que l’envers d’un décor pitoyable. Que cette mondialisation, n’est qu’un rouleau compresseur qui broie et les hommes et les cultures. C’est l’homogénéisation et l'uniformisation et leur lot d’appauvrissement. C’est un mode de pensée mortifère, drapé d’une soi-disant liberté frelatée. C’est le consumérisme et la dégradation de l’environnement. C’est la banquise en voie de désagrégation. C’est une humanité dont la survie est sujette à caution. 


La fin ne justifie-t-elle pas les moyens ? Allons donc de l’avant pour plus de richesse, plus de pouvoir et plus de pillage. Qu’importe les conséquences climatiques et environnementales, la misère jointe à la famine ne sont que bien méritées. Il ne faut en aucune façon avoir pitié des «culs-terreux ».



Un nouveau Mur à la place du mur.

Lors de la chute du mur de Berlin nous avions applaudi, n’étions-nous pas à l’orée d’une nouvelle ère annonçant la fin du Parti unique et toute forme d’oppression ? Cependant, tout à notre enthousiasme nous n’avions pas remarqué ce jour-là, qu’il y avait eu à côté de nous, un personnage qui applaudissait avec plus d’ardeur. Nous avions appris par la suite qu’il ne fut autre que le capital financier, qui se présentait sous les oripeaux d’une liberté flamboyante. Tout en se considérant comme l’héritier légitime du totalitarisme évanescent. À y voir de plus près, c’est la plus gosse arnaque jamais survenue, au cours de ce pauvre siècle ensanglanté par tant d’horreurs.



Il faut l’avouer, certains d’entre nous ne manquaient pas de perspicacité, ni de vaillance. Ceux là même qui ont entrepris, dès cet instant, de dénoncer cette mascarade. Ces troubles fête suscitant ainsi l’indignation. Comment osent-ils gâcher la joie ? N’est-il pas indécent de crier au loup, alors, que nous sommes dans un moment festif ? Un moment de consensus unanimiste. Bien que nos valeureux sages nous aient déjà enseigné que derrière toute forme d’unanimisme, il y a forcément un flou qui dissimule un piège liberticide.



Cependant, il y a de quoi nous désarçonner, ces ‘‘ troubles fête ’’ sont des intellectuels de renom, des savants respectables, des journalistes intègres, des militants politiques engagés qui n’ont jamais cessé de nous avertir, de nous mettre en garde : cette mondialisation sauvage annonce la pauvreté ravageuse, les échanges hyper-inégalitaires, la déforestation et le réchauffement climatique. Une planète transformée en un super titanique qui tangue et menace de sombrer dans un océan saturé de déchets aussi bien organiques que radioactifs. 



Pendant ce temps, le nouvel ordre mondial continue de tisser inlassablement sa toile d’araignée, investissant ses pions de la plus haute fonction : un Trump, un Bolsonaro, un Johnson, et même dans la lointaine Inde un énergumène prêt à exterminer les Musulmans, chez lui, pour assouvir sa petite haine identitaire. Tous ces leaders, dont la grossièreté n’a d’égale que l’ignorance crasseuse. Tous ces « iron ass », selon une expression américaine, ont pour dénominateur commun, l’absence affligeante de toute ossature intellectuelle. Un idéal du moi, mégalomaniaque et narcissique, laissant penser qu’ils sont-là par élection divine et qu’ils ont pour mission de raviver le feu sacré de la racialité.



Partout dans le monde, nous avons vu fleurir des mouvements politiques chantant les louanges d’un capitalisme débridé. Des courants de pensé émergeaient, dont les promoteurs s’autoproclamaient philosophes, ou écrivains, et qui assumaient la tâche bénédictine de propager la bonne parole identitaire, qui promeut la haine de l’autre, la supériorité de la civilisation judéo-chrétienne, la beauté inégalable de la race blanche. Jamais l’idéologie ouvertement raciste et discriminatoire ne s’était exprimée avec autant d’arrogance.



C’est dans ce contexte glauque, que le Corona fait irruption. Comme pour nous inviter à remettre en cause ces certitudes obsolètes, ces clichés désuets, ces lieus communs ressassées, ces simplifications abusives. C’est dans ce contexte, où les hyènes rivalisant de ricanement avec divers charognards que le Corona fait son entrée fracassante. Tout ce brouhaha cessa comme par enchantement, on réalise que le pire ennemi de l’homme, c’est un certain homme qui étale son insuffisance, sa cupidité insatiable, ses crimes de guerres ignobles. C’est à ce moment là, que ces chefs suprêmes se révèlent cavaliers de l’apocalypse. Cependant, même atteints dans leur narcissisme primitif, ils n’en démordent pas pour autant. Ainsi, un certain Trump face à l’horreur, il a sa propre recette : rouvrir l’économie et laisser le Corona faire son travail salutaire, qui n’est pas plus qu’une vaporisation d’insecticide. Ne s’agit-il pas d’un châtiment divin, qui s’apparente à une sélection darwinienne, qui nous débarrasse des faiblards, des malingres au profit des plus productifs, des plus créatifs, des plus endurcis. Ceux qui sont sans scrupules, et qui n’ont que faire des considérations morale.



Cependant notre Héro et à sa grande surprise, n’arrive pas à convaincre. Voilà pourquoi il court, tel un dératé dans tous les sens, il tire sur tout ce qui bouge. Il fulmine, il menace. Ne sachant à quel Satan se vouer. C’est l’embarras d’un super milliardaire d’entre les supers, qui n’avait tout au long de sa vie qu’à tendre la main pour cueillir les lauriers de la gloire, ces mêmes lauriers qui lui éclatent aujourd’hui au visage, comme les postillons de cet ennemi invisible qui ne fait qu’une bouchée de ses victimes.

Quel modèle pour demain

Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a l’avant et l’après Corona. Alors qui prendrait les commandes après ? Serait-ce la Chine, comme c’est partout suggéré ? Les peuples ne sont pas dupes. Jamais, ils ne se laisseront prendre à l’appeau. Jamais, ils ne se laisseront ensorcelés par ces chants de sirène. Jamais au grand jamais, ils ne toléreront de courber l’échine devant une nouvelle hégémonie, quelle qu’elle soit. Ces peuples comprennent qu’ils doivent prendre leur destinée en main, et qu’il est temps de mettre un terme à la bigote confiance, dans la providence historique ou théologique. 



Ni la Chine, ni l’Amérique, ni l’Orient, ni l’occident. Le Corona a mené admirablement son travail de sape et de remise en cause. Le professeur Mohamed Arkoun, ce grand arpenteur de nos territoires perdus de la mémoire, s’est moqué un jour de ces tentatives désespérées : visant à durcir la notion Occident-Orient, tout à fait inacceptable sur le plan sémiotique. Il nous invite par la même occasion à méditer l’image métaphorique de l’olivier coranique « qui n’est ni d’Occident, ni d’Orient et qui illumine pourtant tout autour de lui ». En effet, n’est il pas salutaire de retrouver ce stock de signes et symboles qui constituent la base cognitive et imaginaire de nos trois traditions : musulmane, juive et chrétienne. N’est il pas le moment opportun de penser un nouveau modèle. S‘atteler à écrire une nouvelle page de cette histoire que nous n’avons que trop tendance à oublier, qu’elle est interdépendante et commune.



Notre sort est lié les uns aux autres. Nos mutuelles différences sont un gage d’enrichissement réciproque. Nous sommes arrivés à cette conclusion qui nous enseigne, que pour vivre, il n’y a qu’une voie : celle de la justice. Par contre, pour mourir : libre choix est laissé aux adeptes d’une bigote résignation. 
Ahmed Ben Bannour