Le coronavirus, le musulman, le Trump et l’agneau
«Un bruit lugubre emplit la caserne Lobau. C’est
le tonnerre ouvrant et fermant le tombeau ». (V. Hugo 1871)
«Reopen or not», c’est
le dilemme shakespearien : «to be or not to be». C’est la question que se pose l’Amérique d’aujourd’hui. En temps normal,
une Amérique qui s’enferme, était impensable. Cela ne signifierait qu’une
chose : le pays renie un idéal, se vide de sa substance, se dévitalise et
se meurt. Le multiculturalisme est le trésor inépuisable d’une Amérique
victorieuse, intellectuellement, économiquement et artistiquement.
Tout le mérite revient à Trump. N’est-il pas le
seul qui a innové en la matière, en osant l’impensable. Les pères fondateurs doivent
se retourner dans leurs tombes. C’est la première fois que l’Amérique renie
l’essence de sa constitution, en fermant ses frontières à une communauté, bien particulière.
Une telle décision rocambolesque va être secondée par une autre, encore plus
ahurissante : la construction d’une muraille de chine, entre l’Amérique et
le Mexique. Bien que ce pays, est non seulement sa véritable profondeur
stratégique, mais surtout, une source inépuisable de main d’œuvre et de
compétence.
Et pourtant, Trump ne marqua ni hésitation, ni doute,
pour la prise de telles décisions. Et voilà que le coronavirus tombe à pic, pour
lui donner raison. Les frontières sont closes, sans coup férir. Et ce n’est ni
les musulmans, ni les mexicains qui sont bannis, mais toute l’humanité. Trump
est au comble de l’extase, il contemple son beau nombril dans la bulle du
confinement.
Tous ceux qui avaient tant critiqué l’homme,
découvrent plus tard qu’il possède
incontestablement cette qualité exceptionnelle de visionnaire. N’est-il pas le
premier, qui a ordonné la fermeture des frontières aux musulmans? N’est-il pas
le premier a envisagé la construction du célèbre mur? N’est-il, donc pas le
précurseur du confinement?
Le diable ou le ver dans le fruit
Aujourd’hui, avec les cadavres qui s’entassent
et les dizaines de millions de chômeurs qui s’accumulent, les horizons
s’assombrissent. Le président vacille, il est à fleur de peau. L’Amérique s’interroge : ce modèle de
développement, n’est-il pas en train de vendre l’âme du pays au diable ? Que
resterait-il avec une telle incompétence,
d’une puissance et d’un rayonnement qui a toujours fasciné le monde?
Hélas, aujourd’hui le ver est dans le fruit. Il
s’agit d’un ennemi d’une nature tout à fait différente, le musulman à côté, n’est
qu’une chanson douce, injustement assourdissante. En effet, ce qui n’était qu’un
cauchemar de fiction, se transforme aujourd’hui avec le coronavirus, en diable
avec cornes et queue et grotte qu’il entretient avec son souffle enflammé.
Et voilà que le président se ressaisit. Ne
s’agit-il pas d’un visionnaire ? Il n’a confondu Islam, terrorisme et
Islamisme que pour mettre en garde ses concitoyens, contre un méchant virus,
qui s’apprêtait à faire son entrée de manière fracassante dans le pays. Après
tout, les intentions malveillantes de l’Islam et des musulmans, n’allaient elles
pas dans le même sens?
Résolument islamophobe. Le président américain se
situe, lui-même, dans une logique de choc des civilisations. Tout comme les géants,
qui n’aiment livrer bataille qu’à leurs équivalents. Trump se sentit frustré,
en ferraillant contre ces nains de musulmans. Et voilà que la volonté divine
vole à son secours et lui envoie un adversaire à sa taille, qui porte le nom de
Covid 19. Le président populiste est effondré, il ne cesse de se
plaindre : «ou moins, le musulman je le voyais.».
Le nain et le géant
Quant à lui, le pauvre Musulman, tout en
marquant sa stupéfaction devant ce défilé d’abjectes bigoteries, crie son
indignation devant ce délire. Il dénonce cette démarche absurde, qui consiste à
échafauder des projections sur lui, au lieu de l’inviter à un dialogue
dissipant et malentendus et clichés. Il jure au nom d’Allah et même sur la tête
de Jésus et de moïse, puisque sa religion les vénère. Il jure, donc qu’il n’a
rien à voir avec le virus terroriste. Mais hélas, ses cris qui résonnent partout,
ne suscitent qu’un écho inaudible.
Le virus lui-même ricane. Qui a pensé un seul
instant que le choc des identités culturelles, sera un jour remplacé par le
choc d’un virus. Faisant des ravages, en premier lieu, chez ces nations blanches.
Ne considèrent-elles pas leur supériorité, leur raffinement comme étant objet
de ressentiment instinctifs chez ces peuplades de ces contrés sauvages ? Face
à de telles balivernes, le virus lance un rire sardonique, frappant sans
distinction, circulant dans tous les pays. Il remplit sa besace au gré de ses pérégrinations.
Il ne reconnaît aucune frontière, n’exerce aucune discrimination de couleur, de
race, ou de religion.
Voilà pourquoi les identitaires lui vouent une
haine féroce, non pas par ce qu’il tue, mais surtout par ce qu’il le fait sans
aucune distinction : entre race blanche supérieure et race décadente arabe
ou noire. Cette dernière ne devrait-elle pas être sa pâture par
excellence ?
Une fois le virus vaincu. Quelle attitude adoptée,
quelle leçon tirée. Que faire, puisqu’on a toujours besoin d’ennemi, tant qu’on
n’a pas dépassé notre infantilité ? C’est dans ce contexte que le chinois
pointe du nez. Il est désigné par le président populiste, comme étant l’origine
de l’hécatombe. Mais cela ne veut aucunement dire qu’il détrône le musulman. Celui-ci,
garde une place de choix. Il mobilise, focalise : ses racines vénéneuses non
seulement plongent dans la conscience judéo-chrétienne, mais plongent en même
temps dans l’avenir de l’humanité, ce futur qui est la propriété exclusive de
cette même civilisation, si blanche, qu’elle ne peut souffrir la moindre tâche
brune ou noire?
Cependant, il y a des volontés qui frémissent, une
certaine sagesse qui s’exprime, de
nobles voix qui surgissent : le mur, le bannissement des musulmans et l’identitarisme
ne vont-ils pas de pair avec une certaine claudication de l’esprit ?
Comment se régénérer en vivant entre cousins cousines, échangeant le même pain
rassis ?
De plus en plus, le portrait du véritable ennemi
se précise. Il n’est nullement ce coupable présumé. C’est plutôt, cette idéologie
suprématiste doublée de l’égocentrisme identitaire. Le libéralisme carnivore. La
criante opulence qui côtoie la plus affligeante des misères. C’est là, le
terrain qui permet au virus de prospérer et de prendre toutes ses aises, en
toute sérénité.
Sauvons l'agneau!
La frontière est certes, un attribut d’indépendance,
un emblème définissant une nation et sa spécificité. La délimitation des
frontières est donc une nécessité vitale. Cependant, ces symboles puissants de
souveraineté, ne désignent nullement, un pays qui se recroqueville, se
barricade. Mais désignent plutôt une main tendue, une ouverture, une régularisation
d’un flux sanguin, afin que les esprits s’émancipent dans la diversité.
Si c’est le cas. N’est-il pas temps d’en finir
avec ces représentations étriquées ? Comprendre que notre ethnocentrisme pétri
d’autosuffisance, de préjugés stéréo-typiques, nous conduit à l’impasse. Que cette
vérité narcissique dont nous nous parons, s’effiloche, une fois soumise aux
exigences historico-culturelles.
Rappelons-nous. Sans aucune immunité et face à
la variole et d’autres fléaux contagieux. Les pauvres indiens affrontèrent leur
funeste sort. L’Afrique, vidée de sa substance par l’esclavage, piétinée par
des dictatures ubuesques, allait-elle survivre à l’ère du corona ? « Si
le virus n’est pas vaincu en Afrique, il ne fera que rebondir vers le reste du monde »,
nous dit Ahmed Abiy ministre éthiopien
et lauréat du prix noble de la paix. Une telle phrase, résume admirablement
notre problématique : nous sommes tous, dans le même radeau, exposés au
même venin, de la même méduse.
Le coronavirus est condamné à disparaitre et il
ne part pas les mains vides. Saisissons nous de cette cicatrice indélébile pour
en finir avec ces immondices, ces imbécilités, ces contre-vérités, ces fictions
fantasmagoriques, qui veulent substituer au réel leurs propres idioties érigée
en vérités immaculées.
Qui d’entre nous n’entend pas les cris
épouvantés de l’agneau, que l’on traine dans le temple de la suprématie, afin
de le sacrifier sur l’autel de l’égoïsme identitaire. Que diable ! Sauvons
l’agneau ! Faisons bloc ! Mobilisons-nous ! Crions haut et fort :
No Pasaran!.