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samedi 7 novembre 2020

Le terrorisme entre le sacré, le couteau et la plume.

Deux virus invisibles circulent, la Corona et le terrorisme. Les deux m’atteignent de plein fouet. Mais j’en sors indemne, je suis donc en bonne santé. Un témoignage s’impose. S’agissant de ce second virus, une question me taraude : quel rapport entre un illuminé qui décapite, qui égorge et un musulman dont la spiritualité le transporte cinq fois par jours, vers un Dieu unique, clément et miséricordieux ?

Quel est le musulman qui ne tremble pas d’indignation ? Qui ne se sent pas couvert d’ignominie, face à un prétendu coreligionnaire, qui égorge une personne innocente dans la demeure sacrée de Dieu ? Un homme arborant haut et fort une identité prétendument musulmane. Un homme rassasié d’opprobre, qui décline sans vergogne, cette même identité usurpée, en criant haut et fort, Allah Akbar.

Ce bourreau qui décapite, qui égorge au nom de ma religion, est celui-là même, qui sort des mêmes cavernes des instincts sordides. Là où prospère l’intransigeance, la bigoterie. Là où ces énergumènes toutes confessions confondues, s’attachent à une fiction qui substitue au réel leurs propres représentations. Là où un moi mégalomaniaque et narcissique ivre de sa vérité immaculée, de son histoire transcendantale. Seul le sang de l’infidèle étanche une telle soif inextinguible.

Dans notre cas particulier, l’ennemi est évidemment tout un chacun qui n’adore pas Allah, ni ne vénère le prophète. Mais, moi aussi, bien que musulman, bien que j’adore Allah, tout en vénérant son prophète. Je suis rangé dans la catégorie des ennemis, pourquoi ? Parce que j’adopte le mode de vie de ces mécréants, en prétendant que cela m’offre ample émancipation, et surtout, parce que je veux adorer Allah comme je l’entends, et vénérer le prophète à ma façon. A cela s’ajoute le pêché impardonnable, d’un attachement viscéral aux idéaux de la démocratie. Ajoutant à ceci, le souci satanique de soumettre au feu roulant de la critique ma religion, et sa tradition que je juge tyrannique et ankylosée. Une telle tradition ne me condamne-t-elle pas à une misère intellectuelle, morale et sexuelle ?

 

Ceci est antisémitisme, cela est liberté d’expression

Peut on tout dire, tout écrire, tout dessiner ? Oui, à la liberté d’expression. Mais, quand celle-ci est frelatée, animée par des instincts sordides, visant à mépriser, à humilier. Alors, celle-ci n’est plus liberté d’expression, mais plutôt un marécage dans la frange de laquelle pataugent les chantres de la haine.

Quel rapport entre la liberté d’expression et ces préjugés, ces clichés stéréotypiques, ces lieux communs. Bref, un ensemble de petites mesquineries, qui ne sont là que pour rappeler au musulman qu’il est inférieur, qu’il doit donc raser les murs, se recroqueviller sur sa pauvre identité. Qu’il se taise, qu’il s’invisibilise, qu’il se réfugie dans sa civilisation décadente. Celle-là même qu’il avait tendance à oublier, et surtout, à ne plus la transmettre à ses enfants. Mais, voilà cette civilisation retrouve tout son rayonnement, grâce à l’offense.

Oui à la liberté d’expression. Mais, c’est là où le malentendu atteint son paroxysme. Y-a-t-il une liberté sans garde-fou éthique ? Y-a-t-il une liberté de la dérision avec une hiérarchie dans la satire ? Caricaturer le prophète des juifs, dans la même posture pornographique, passerait, à juste titre, pour de l’antisémitisme. Mais, s’agissant du prophète de l’islam, c’est la liberté d’expression. Une telle hypocrisie frise une lâcheté pitoyable.

Ce dessein pornographique d’un homme accroupi, toute intimité dehors, que l’on présente comme étant le prophète de l’Islam. Cette obscénité honteuse choque le musulman, mais également le juif et le chrétien, puisque les trois grandes religions ont quelque chose en commun : la fonction prophétique et ses rapports avec le divin, la révélation et le sacré. Bref, cet ensemble qui constitue ce mystérieux contrefort de l’être. Qui a dit que l’homme ne se nourrit que du pain rationnel et rassis ?

Il ne s’agit, nullement, de ce sacré vidé de sa substance, soumis aux féroces gestionnaires de la foie, pour qu’il se combine avec la violence. Le sacré que nous évoquons ici est celui, qui plonge ses racines dans une spiritualité transcendantale, où les frontières artificiellement tissées entre les confessions s’effondrent, pour qu’il ne reste que l’homme, dans sa multiplicité, sa diversité face à un Dieu, source de bénédiction, de tolérance et d’amour.

C’est ce sacré qui est touché en nous, face à ce dessein de l’opprobre. Un musulman même viscéralement anti clérical est vivement secoué par ce dessein, qui exhale un mépris nauséabond. Ce même musulman voit avec sidération son islam, qui était, jusque-là, assoupi, en pleine léthargie, se réveiller et  se redresser. Il cherche sa plume pour défendre sa dignité, mais, un terroriste décérébré, fanatisé et endoctriné, lui, cherche son couteau.

 

Islamophobes et terroristes même combat.

Au lendemain de chaque crime, les musulmans sont préoccupés à numéroter leurs abattis. Hélas, ils sont loin d’être indemnes. La pointe du couteau du criminel, prétendument coreligionnaire, est toujours plongée dans leurs âmes.

La France est certainement fière de ses intellectuels, aussi brillants qu’intelligents. Des hommes et des femmes qui forcent l’admiration, par leur sens de l’honneur et de l’éthique. Hélas, une autre catégorie de pseudo-intellectuels fait de l’Islam et de la haine des musulmans leurs sujets de prédilection, si ce n’est leur fond de commerce. Un fond de commerce où l’épicerie est garnie de toutes sortes de marchandises. Où l’on redouble de zèle pour que l’invective le dispute à l’intoxication, l’insinuation méprisante à l’injure, expressément déclarée. Bref, on fait feu de tout bois. Tout ce qui rabaisse le musulman, tout ce qui le désigne à la vindicte est le bien venu.

Bien qu’il se drape des oripeaux d’une modernité factice, ce discours islamophobe chevauche sa, soi-disant, philosophie des lumières, pour déployer ses ténèbres. On n’a pas besoin d’être grand clerc, pour constater de visu les options épistémologiques, les présupposés, les affinités idéologiques et la haine sournoise. Tant de serpents maléfiques avançant en rang serré, pour désigner l’ennemi qui se cache sous les traits d’un faux citoyen, infiltré subrepticement dans la patrie, par effraction, avec le poignard entre les dents.

Ainsi, nous assistons à une littérature servile et malveillante. Une littérature qui étale impunément sa haine, sur fond abject de racisme xénophobe. Mais, Il est vrai qu’il s’agit d’une autre époque. Cependant, la clairvoyance transcende les contextes. Ainsi, le Président Mitterrand, exaspéré, avait un jour prononcé cette phrase terrible : l’infâme s’exprime là où il est.

 

L’homme de Neandertal et l’Homo sapiens

Allons-nous comprendre que le couteau du criminel est aiguisé par l’islamophobe ? Le va et vient, de ce même couteau, dans la nuque de sa victime, ce mouvement sinistre n’est qu’une musique enivrante dans la tête de l’identitaire raciste.

Il n’y a que les néophytes ou les zélés idéologiquement irrécupérables, qui ne comprennent pas encore, que djihadistes et islamophobes mènent le même combat. Ils se prêtent mutuellement main forte. Ils ont en commun la même confiance aveugle, les uns dans leur propre providence divine, les autres dans leur propre providence historique.

Voilà pourquoi ces identitaires applaudissent  le crime. N’est-ils pas leur fidèle compagnon ? Le crime ne constitue-t-il pas leur nourriture terrestre, leur notoriété et leur gloire ? Ne l’instrumentalisent-ils pas ?  Ne l’exploitent-ils pas avec une joie maline ? Ainsi, le crime a un intérêt double : d’une part, il illustre les ramifications de la racaille islamique, et en même temps, il souligne leur bravoure à le dénoncer, leur courage à pointer ses conséquences dévastatrice, sur la sécurité et la cohésion de la grande civilisation, la plus supérieure.

Ne l’oublions pas, identitaires et djihadistes travaillent inlassablement pour pulvériser notre Dieu commun, afin de créer, fabriquer leur propre Dieu. Un Dieu égorgeur, suprémaciste et méprisant. Pour atteindre un tel objectif, il faut commencer par piétiner ce stock de signes, de symboles propres à nos religions monolithiques. Caricaturer le prophète, s’attaquer à une église, à une mosquée, à une synagogue n’est qu’un acte anodin. Ce qui est super important, c’est le geste symbolique qui annonce l’inauguration du règne totalitaire du nouveau Dieu.

Dans quel monde vivons nous ? Un minimum de sens critique, nous fait découvrir l’homme de Neandertal montrant le bout de son museau, sous l’Homo sapiens. Même messianisme, même millénarisme, même mythologie glorifiante d’un passé devenu passéisme, puisqu’il a rompu les liens avec le présent, même fantasme historique, même action niveleuse du moule uniformisant, même source où l’on se désaltère, de la même eau bénite puisée dans le même bénitier où s’agite le même diable, aussi infidèles que mécréants.

Pour conclure, disons que le grand perdant dans cette aventure « caricaturelle » est incontestablement la grandeur de la France, sa noblesse et son prestige, qui sont aujourd’hui en lambeaux chez la Umma « la nation musulmane ». Cette Caisse de résonnance, ce ventre fécond où percent tant de cris, tant de  douloureuses vicissitudes, comme pour annoncer d’autres lendemains, non pas qui chantent, mais qui interrogent et s’interrogent encore plus.

Tant il est vrai, que chaque époque charrie ses allégations, ses immondices, sa démagogie mensongère, que de braves gens partagent de bonne foi, sans toujours s'en apercevoir.

Dieu merci, il y a ces hommes et ces femmes, ces gardiens de la mémoire, qui mènent un combat salutaire contre l’infâme. Ceux et celles  qui ne laissent jamais passer une occasion sans dénoncer ces geôliers de l’esprit, qui se font un plaisir d’incarcérer le musulman derrière les barreaux de leurs fantasmes pathologiques.

Ahmed Ben Bannour